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Le guide des Bonnes Pratiques de la dialyse verte

Le système de santé représente 8 % de l’émission des gaz à effet de serre (GES) de notre pays. Ce sont les GES qui sont en très grande partie responsables du changement climatique dont nous voyons les conséquences graves tous les étés maintenant. La France, comme généralement les pays occidentaux à haut niveau de vie, fait partie des 13 pays les plus émetteurs de GES. Ses objectifs sont de réduire ses émissions en 2050 de 80 % par rapport à 2020, de façon à quasiment atteindre zéro émission. Selon le Shift Project (groupe de réflexion sur la transition écologique qui propose de mesures de décarbonation de l’économie française et évalue leur efficacité), diminuer la consommation d’énergie, installer des moyens de transport bas carbone pour les patients et les soignants, réduire les émissions liées aux déchets, sont essentiels mais ne suffiront pas (1). La production, transport, utilisation et destruction des médicaments et)1 dispositifs médicaux (les appareils de dialyse par exemple mais aussi tout le matériel de soin dont les compresses, les surblouses, etc.) représentent à eux seuls 50 % des GES émis. Il va donc être nécessaire aussi de réduire notre consommation de médicaments et de soins et/ou de les utiliser de façon plus adaptée, plus vertueuse. Le Shift Project introduit la notion du juste soin.

Ayant intégré très tôt le risque que le changement climatique faisait courir aux patients insuffisants rénaux et le rôle que la pratique de néphrologie pouvait jouer dans l’émission de GES, la Société Francophone de Néphrologie Dialyse Transplantation (SFNDT) a créé en 2021 un groupe Néphrologie verte qui a décidé de travailler en premier lieu sur la dialyse. Des publications australiennes et britanniques avaient déjà alerté sur le fort impact environnemental de ce traitement, qui est très consommateur en énergie, en eau et produit une grande quantité de déchets (voir table : Les chiffres clés de l’hémodialyse en France). Le travail de thèse d’une jeune néphrologue a permis de chiffrer le bilan carbone d’une unité de dialyse en France (Unité de l’Artic-42, St Etienne). L’émission de GES a été estimée à 9 tonnes de CO2 équivalent par an pour un traitement en hémodialyse en centre lourd à raison de 3 séances de 4 heures par semaine. L’émission de GES par un Français annuellement est du même ordre. Le traitement par hémodialyse double donc l’émission de GES d’un patient. Les postes qui contribuent le plus à cette émission sont l’achat des médicaments et dispositifs médicaux, le transport puis ce qu’on appelle l’immobilisation (soit bâtiments, meubles, etc.) (Figure 1). 

Les chiffres clés de l’hémodialyse en France

Consommation d’énergie : environ 2543 kWh/an/patient (à peu près la moitié de la consommation d’un foyer, qui est de 4710 kWh/an) 

Consommation d’eau : environ 382 litres/séance/patient soit 60 000 litres/an/patient (superposable à la consommation moyenne annuelle d’un français qui est de 59 130 litres/an). Il faut aussi noter qu’en moyenne 30 % de cette eau est rejetée sans avoir été directement utilisée pour le soin. 

Production de déchets : 1,7 à 2,5 kg/séance/patient soit 256 à 390 kg/an/patient (à comparer aux plus de 580 kg de déchets ménagers produits en France par habitant)               

Ces informations et l’urgence de la situation ont conduit le groupe Néphrologie verte à rédiger un guide proposant de nombreux leviers d’action en lien avec les enjeux environnementaux mais aussi sociétaux et sociaux de l’hémodialyse en centre (2). Pour l’environnement, le guide comporte des chapitres spécifiques sur l’eau, l’énergie, la qualité de l’air, la gestion des déchets, les achats durables, la mobilité, la sobriété numérique et la biodiversité. Les actions liées à ces enjeux sont basées sur les grands principes de réduction des consommations, de réutilisation, de recyclage. La démarche écologique implique aussi des changements de pratiques et des changements de comportement pour avoir un impact sur la durée. Les actions présentées sont issues de publications et de retours d’expérience. Quand cela a été évalué, les gains en termes de réduction de GES émis et en terme d’économie sont donnés. Certaines actions sont simples et relèvent souvent du bon sens : ne plus imprimer à tout va, éteindre la lumière dans les pièces inoccupées, éteindre les ordinateurs qui ne servent pas etc. D’autres sont plus complexes et nécessitent des investissements. Le guide classe d’ailleurs ses actions par degré de faisabilité. Parmi ces dernières mesures, la réduction de la consommation d’eau est une mesure phare car l’eau est une ressource précieuse et dont on réalise aujourd’hui qu’elle peut être épuisable. Pour cela, le guide propose de récupérer cette eau rejetée lors de la préparation du dialysat pour d’autres tâches comme l’alimentation des sanitaires du bâtiment, le nettoyage des sols, l’arrosage des espaces verts du centre ou de l’hôpital. La réduction du débit du dialysat peut conduire aussi à une économie d’eau à condition qu’elle n’altère pas la qualité de l’épuration du sang du patient. Le guide incite les néphrologues à adopter une nouvelle définition des DASRI, ces déchets « contaminés » dont la destruction est énergivore et coûteuse. Selon cette définition, les DASRI devraient représenter, pour un hôpital, 4 % des déchets au lieu de 27 % en moyenne aujourd’hui. L’utilisation du matériel jetable est remise en question. Les mesures de mobilité durable n’ont rien de spécifiques à la dialyse ; il s’agit d’utiliser des véhicules électriques, les transports en commun, le co-voiturage que ce soit pour le personnel ou les patients. L’association Artic-42 de St-Etienne nous montre aussi les intérêts écologiques d’un bâtiment passif comme est leur centre de dialyse François Berthoux. Ce bâtiment utilise entre autres pour se chauffer l’énergie dégagée par les appareils de dialyse. Ces mesures ont un coût mais cet investissement initial est généralement rentabilisé par les économies réalisées dans le long terme.

A une époque où les structures de soins sont en crise et peinent à trouver du personnel soignant, il était important de se pencher aussi sur les enjeux sociaux et sociétaux. Le guide met en avant des actions liées à l’emploi, recrutement, formations, animation interne et éthique. Un chapitre est consacré au bien être des patients. Le groupe Néphrologie verte travaille d’ailleurs à l’élaboration, pour le patient, d’un message donnant des informations générales sur le changement climatique et ses conséquences ainsi que sur les moyens de participer à la démarche écologique. 

Le groupe Néphrologie verte est convaincu que si les actions qu’il recommande sont mises en place, l’impact sur les émissions de GES sera significatif, 50 500 personnes étant actuellement dialysées en France. Il reste beaucoup de travail à faire. Le groupe prévoit de mener la même démarche (bilan carbone puis préconisation de mesures) avec la dialyse péritonéale et les différentes modalités d’hémodialyse (dialyse à domicile, standard ou quotidienne, dialyse longue), avec l’idée d’inclure un indicateur écologique dans le choix de la technique de dialyse. Que les patients se rassurent, la qualité de l’épuration et la qualité de vie seront toujours primordiales.  

Maryvonne Hourmant pour le groupe Néphrologie verte

Bibliographie

1.https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2023/04/180423-TSP-PTEF-Rapport-final-Sante_v2.pdf

2.https://www.sfndt.org/sites/www.sfndt.org/files/medias/documents/SFNDT_guide%20complet-VF-HD.pdf

https://relaisonline.org/224fd01c-8ac7-48b4-880a-e5e6f4d01c83" width="338" height="210" />Figure 1

 

 

N°61, dialyse verte