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La transplantation chez les seniors

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La population vieillit, c’est un fait désormais acquis. Avec une augmentation des seniors de 80% en 45 ans, quelles sont les conséquences sur la transplantation ? Comment vieillit-on aujourd’hui en France avec un greffon ? Médecin et patients témoignent.

Dossier réalisé par Juliette Viatte

Photo Dossier Relais 55

Un vieillissement de la population fulgurant

Au 1er janvier 2018[1], la France comptait un peu plus de 67 millions d’habitants, dont un quart avait plus de 60 ans. Et les perspectives vont croissantes. 22,3 millions de personnes seraient âgées de 60 ans ou plus en 2050 contre 12,6 millions en 2005, soit une hausse de 80 % en 45 ans. Cela signifie qu’à l’horizon 2050, pas moins d’1 habitant sur 3 en France sera âgé de 60 ans et plus. Ce vieillissement, et les progrès constants de la médecine qui améliorent l’espérance de vie, ont bien sûr des conséquences, à la fois sur le nombre de patients en attente de greffe et sur le nombre de personnes âgées porteuses de greffons. Près de 8 000 patients étaient en attente d’une greffe de rein sur la liste active au 1er janvier 2018 selon l’Agence de la Biomédecine[2], mais en janvier 2015, moins de 8% de ces patients étaient âgés de 70 ans ou plus.

Un article publié dans Méthodologie & Thérapeutique[3] révèle pourtant que « le nombre de patients transplantés rénaux après l’âge de 65 ans n’a cessé d’augmenter ces quinze dernières années. Les bénéfices de la transplantation rénale par rapport à la dialyse en termes de survie et de qualité de vie ont été montrés chez des receveurs sélectionnés de plus de 65 ans, voire 70 ans. »

Le donneur vivant privilégié chez le sujet âgé

Le nombre de patients en attente de greffe est important. La sélection et l’absence de contre-indications sont donc fondamentales. « Le donneur vivant semble être l’option idéale pour les receveurs âgés » soulignent les auteurs de l’article. « Le choix du traitement immunosuppresseur est également crucial chez ces patients à haut risque de complications infectieuses et cardiovasculaires, chez qui la survenue d’un rejet aigu peut avoir des conséquences sévères. » Il semble que sur point il n’existe d’ailleurs pas encore de recommandations spécifiques.

Greffer ou pas ?

Les contre-indications sont en effet plus fréquentes avec l’âge. L’état de santé du patient peut aussi se dégrader rapidement, en dialyse notamment, et rendre la greffe impossible. « Il faut être certain que le patient et son entourage sont conscients des risques liés à la greffe, risques vitaux, risques provoqués par l’acte chirurgical, risques liés aux traitements anti-rejets », explique Laure Esposito, praticien hospitalier, département de transplantation d’organes du CHU de Toulouse. « Mais la greffe est toujours réalisée dans le même but : améliorer la qualité de vie et la survie par rapport à la dialyse, et ce à n’importe quel âge. Il faut toutefois que le malade soit en capacité de supporter une opération. Ce sont ses facteurs de risques, son état général, son autonomie et son souhait ainsi que celui de sa famille qui déterminent la décision ou non de la greffe ». Pour Christian Liénard, greffé du foie il y a 31 ans déjà, « il n’y a pas eu d’hésitation. Après un coma lié à une hépatite médicamenteuse, il a fallu agir rapidement. Quelques semaines plus tard, j’étais greffé. Je n’ai pas vraiment eu le temps d’avoir peur car tout s’est enchainé très vite mais c’était une nécessité vitale. Les suites opératoires ont été difficiles. Mais le sport m’a permis de reprendre ma vie en main et même de réduire les doses de certains médicaments. » Même constat pour Alain Fossard, issu d’une famille de malades rénaux. « Dès que j’ai été en dialyse, j’ai voulu être greffé. La chance m’a souri un 2 novembre, le jour des morts. Et depuis 15 ans, ma famille m’entoure et veille à ce que je prenne soin de moi et me protège pour limiter les risques secondaires, dont le cancer de la peau. »

Des bilans spécifiques préopératoires

« Avant la greffe de ces sujets âgés, nous nous assurons que le patient ne souffre pas de troubles cognitifs, et notamment de démence », confirme Laure Esposito. « Au moindre doute, nous adressons les patients aux gériatres pour réaliser des tests et évaluations. Nous nous assurons également que le patient ait bien compris et entendu les risques, et qu’il les accepte. » Dès lors il n’y a pas réellement de limite d’âge. Si la survie moyenne d’un greffon est de 15 ans, la survie à long terme sera forcément meilleure. Ce sont ces éléments que les médecins évaluent et mesurent avant toute intervention. Certaines personnes sont ainsi greffées à 80 ans et bénéficieront d’un greffon de leur âge, en mort encéphalique.

Avec l’avancée en âge, on observe également une diminution de la réponse immunitaire. Le risque infectieux est plus important chez la personne âgée, avec ou sans traitement. Sa régulation se modifie encore davantage lorsqu’elle prend des médicaments immunosuppresseurs. Il convient donc de considérer cet élément et veiller à adapter son traitement avec les moyens dont on dispose actuellement, le suivi thérapeutique et un suivi rapproché et clinique de ces personnes.

Des médecins partenaires

Le gériatre intervient sur demande. Mais si le patient a été évalué avant l’opération, il n’existe pas de raison propre à la greffe pour qu’il « décompense » en dehors de l’hospitalisation prolongée et du stress lié à cet évènement. « En revanche, on ne greffe pas de patients qui risquent de perdre leur autonomie ou dont la démence dépistée au préalable risque de réduire l’espérance de vie », complète le Dr Esposito.  « Le gériatre intervient avant l’opération ou en en post-opératoire s’il devient nécessaire de prendre en charge une personne qui s’altère après une complication ou une infection. Mais à long terme et en vieillissant, ce n’est pas la greffe qui mène le malade vers le gériatre. Les malades meurent souvent d’autres choses, de maladies cardiovasculaires en général et ce avec une fonction rénale parfois parfaitement normale. » Le rôle des infirmières est prépondérant. Car la personne âgée est plus à risque de complications. « Les infirmières veillent à entretenir un lien avec la famille pour vérifier que tout va bien. D’ailleurs les personnes âgées restent hospitalisées plus longtemps et on les surveille plus régulièrement en consultation car on connait leur fragilité. »  Sur la question de l’observance en revanche, il y a peu de difficultés. « Les personnes âgées ont l’habitude de prendre des traitements. Les seuls cas recensés sont ceux liés à des troubles cognitifs. Et dans ces situations spécifiques, l’infirmière intervient pour administrer les médicaments ». Enfin le médecin généraliste reste l’interlocuteur privilégié de la personne âgée. Il est le lien indéfectible entre le patient, la famille et les spécialistes, hospitaliers ou de ville.

Des suivis à distance

Tous les outils favorisant un meilleur suivi du patient sont à privilégier. Le développement de consultations de télémédecine en est un exemple intéressant. Il permet d’améliorer l’accompagnement de la personne âgée, surtout lorsqu’elle est isolée ou vit seule, et d’éviter des déplacements inutiles. Toutefois, comme le précise le Dr Esposito, « le patient âgé doit être accompagné d’une infirmière pour l’aider à mettre en place les systèmes Internet de télémédecine. Ce n’est pas aussi simple qu’il n’y parait ». Pour l’heure, ce dispositif n’a pas encore été testé à Toulouse car le service a réussi à mettre en place un suivi alterné avec les néphrologues de ville, qui permet une surveillance régulière des patients greffés.

 

 

Dossier réalisé avec le soutien institutionnel de Chiesi

 

1- Source Insee

2- La liste « active » représente le nombre de patients inscrits en attente d’une greffe, prêts à recevoir une greffe d’organes. Contrairement aux patients inscrits en attente d’une greffe mais étant en contre-indication temporaire (CIT). Sur la liste nationale d’attente, 45% des patients sont en contre-indication temporaire (CIT).

3- « Transplantation rénale et sujet âgé : mise au point », de Mathilde Lemoine, Dominique Guerrot et Dominique Bertrand publié dans Méthodologie & Thérapeutique le 25 juin 2017

 

Seniors, tout aussi concernés par le don d’organes !

Dossier, N°55