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Le jour où nos imprimantes 3D... nous soigneront !

La prochaine révolution pharmaceutique passera par les imprimantes 3D pour fabriquer de nouveaux médicaments et, demain, des organes de synthèse.

 

Par Aurélien Forget* et Tim Dargaville**, The Conversation France

L'impression 3D investit le champ de la biologie. Ce procédé qui consiste à construire un objet par ajout ou agrégation de matière va, demain, être utilisé pour le corps humain. Par exemple pour des organes tels que le foie, les reins et le cœur, structures très complexes composées de différents types de cellules et macromolécules qui leur permettent de maintenir leur intégrité et de fonctionner convenablement.

Pour que les organes imprimés en 3D fonctionnent, ce procédé doit reproduire l'arrangement naturel des cellules et leur offrir la possibilité d'assurer leur rôle biologique. Par exemple, un rein doit pouvoir traiter et rejeter les déchets sous forme d'urine. Notre récente publication détaille une nouvelle technique qui, en une seule étape, permet d'organiser en trois dimensions des cellules souches humaines dans un matériel qui reproduit leur environnement naturel. Cette technique représente une nouvelle avancée pour le développement de cette technique permettant d'imprimer des structures vivantes avec une grande précision.

Nous ne pensons pas que notre travail aura un grand impact pour l'impression d'organes artificiels destinés à la transplantation, du moins pour le moment. Un autre domaine apparaît en revanche prometteur : depuis quelque temps, l'impression 3D a commencé à devenir une technologie pour découvrir de nouveaux médicaments. Ce qui pourrait permettre, à terme, de réduire le nombre d'animaux utilisés pour la recherche pharmaceutique, de réduire les coûts et le temps de développement de ces médicaments.

Qu'est-ce que l'impression biologique en 3D ?

Historiquement, l'impression en 3D a été mise au point pour la fabrication industrielle de prototypes en France, puis ce procédé a évolué vers la technique utilisée dans les imprimantes 3D grand public appelée modélisation par dépôt de fil en fusion (FDM). Adaptée à la « biologie » (les cellules), l'impression 3D devient un tout autre procédé appelé impression biologique.

Pour fonctionner, l'impression 3D biologique a besoin de conditions stériles (comme dans un bloc opératoire) : il s'agit d'éviter la contamination des échantillons imprimés, mais aussi d'obtenir la température et l'humidité adéquates pour éviter que les cellules ne meurent. Enfin, les matériaux plastiques qui servent traditionnellement pour les imprimantes 3D ne peuvent pas être utilisés pour l'impression biologique, car ces plastiques sont imprimés à haute température ou avec des solvants qui seraient toxiques pour les cellules.

Nous (et d'autres chercheurs autour du globe) travaillons à développer de nouveaux matériaux qui peuvent être utilisés pour l'impression biologique 3D sans endommager les précieuses cellules. Chaque type de cellule qui compose les différents organes humains a besoin d'un environnement mécanique unique, c'est-à-dire d'un matériau qui lui permet de fonctionner. Par exemple, les os sont faits d'un matériau résistant mais cassant, les muscles du cœur sont élastiques, mais les organes internes comme le foie sont mous et compressibles.

Dans notre récente publication, nous avons démontré avec nos collègues que de nouveaux matériaux à base d'algues peuvent être adaptés pour l'impression biologique en 3D, après avoir passé par un procédé de modification chimique. Ces matériaux nous permettent d'imprimer en 3D des cellules souches humaines dans des environnements mécaniques différents sans endommager les cellules. Ces découvertes ouvrent la voie à l'impression de tissus biologiques qui reproduisent fidèlement les différents environnements mécaniques naturels, une tâche très complexe.

Le rêve des organes artificiels

Actuellement, les patients qui ont besoin d'une transplantation d'organe doivent attendre que des greffons provenant de donneurs vivants ou décédés soient disponibles. Une fois transplantés, les malades doivent être mis sous immunodépresseurs pour la plus grande partie de leur vie. Ces médicaments ont beaucoup d'effets secondaires et représentent un coût très élevé pour le système de santé.

Le développement de greffons grâce à une imprimante 3D serait une solution pour les 22617 patients sur la liste d'attente pour une transplantation en France en 2016, selon l'Agence de biomédecine. Mais imprimer un organe entier est incroyablement difficile et compliqué, et peut durer plusieurs semaines. Malgré tout, ce procédé est possible pour des tissus humains relativement simples comme la peau. Pour ce genre de tissu, l'étape suivante nécessite l'incorporation d'un réseau nerveux, vasculaire et lymphatique qui offrirait la possibilité de connecter le greffon aux différents systèmes biologiques du patient transplanté afin de créer un organe complet comme un rein, un foie, un cœur ou un poumon.

Nous sommes aujourd'hui probablement à plusieurs années et à plusieurs millions d'euros de développement et recherche avant de pouvoir imprimer un organe entier en 3D. Mais il y a une autre possibilité pour l'impression biologique 3D : son utilisation pour la découverte de nouveaux médicaments en laboratoire. 

Imprimer des cellules pour découvrir de nouveaux médicaments

Pour mettre un nouveau médicament sur le marché, un investissement de 2,5 milliards de dollars (2,18 milliards d'euros) est nécessaire sur une période de plus de 10 ans. Même si vous arrivez à identifier une molécule intéressante, la probabilité d'arriver jusqu'à la mise sur le marché est estimée entre 10 et 15 % selon le type de molécules.

Certaines peuvent causer des séquelles ou même la mort de participants aux essais cliniques, comme nous l'avons récemment vu en France. Au-delà des accidents, nous savons pourquoi la majorité des médicaments ne passent pas les tests cliniques : ces échecs sont dus en grande partie à leur faible efficacité chez l'homme, malgré des résultats concluants sur les animaux. Cela est dû, principalement, au fait qu'animaux et humains, malgré certaines ressemblances biologiques, sont différents.

L'impression biologique en 3D nous permet maintenant d'imprimer des modèles qui sont de plus en plus complexes et qui reproduisent de plus en plus fidèlement les organes comme le foie, le rein ou le muscle cardiaque. Ils peuvent ensuite être utilisés pour découvrir de nouvelles molécules et médicaments. Ces modèles commencent déjà à être utilisés par des laboratoires pharmaceutiques.

Malgré cela, l'utilisation d'animaux pour la recherche est toujours inévitable et indispensable. Mais l'agence de réglementation sanitaire américaine (Food Drug Administration) et son nouveau directeur ont commencé à réfléchir à de nouvelles alternatives aux tests sur les animaux pour tester l'efficacité et la sûreté des nouveaux médicaments.

Les animaux, grands gagnants ?

En 2013, l'Union européenne a passé une loi interdisant l'utilisation d'animaux pour la recherche cosmétique sur son territoire et l'importation de produits cosmétiques ayant été testés sur des animaux. Cette nouvelle régulation a accéléré le développement de modèles in vitro reproduisant la peau humaine pour les tests de nouvelles formulations cosmétiques. Ces résolutions ont été acceptées parce que la technologie était déjà disponible et a aidé à réduire le nombre d'animaux de laboratoire utilisés dans cette industrie.

Ces changements opérés par l'industrie cosmétique et ces avancées technologiques nous laissent entrevoir un futur où l'impression biologique 3D pourra aider à découvrir de nouveaux médicaments plus efficaces, plus rapidement et à moindre coût.

 

*Aurélien Forget est maître de conférences en chimie macromoléculaire à l'université technologique du Queensland en Australie. 

**Tim Dargaville est lauréat du Conseil de recherche australien (Future Fellow de l'ARC) et professeur de chimie à l'université technologique du Queensland (Australie).

(Article publié sur le site du journal Le Point)